Une étrange petite souris dans un monde très étrange
Morsels n'est pas un roguelike comme les autres. Sur le papier, le concept semble assez classique : vous incarnez une minuscule souris vivant dans les égouts et gravissant les échelons d'une ville corrompue. L'action se déroule en vue de dessus, les salles sont organisées comme des donjons, et quiconque a joué à The Binding of Isaac reconnaîtra instantanément le cycle de jeu : tirer, esquiver et explorer les salles.
Le style graphique exploite lui aussi cette même énergie à la fois mignonne et répugnante. Les ennemis ressemblent à des marionnettes difformes et à de petits monstres répugnants. Le monde évoque un dessin animé crasseux, peuplé de tuyaux suintants, de créatures étranges et de PNJ qui semblent tout droit sortis d'un cauchemar fiévreux.
Jusque-là, tout va bien. Mais ensuite, on découvre le véritable cœur du jeu : les morceaux eux-mêmes. Et les choses deviennent très étranges, très vite.
Comment fonctionne le système Morsels
Chaque partie commence par un choix. Vous sélectionnez une carte qui vous permet de vous transformer en une créature spécifique. Ce sont des monstres laids mais étrangement attachants, chacun possédant son propre style d'attaque et une capacité spéciale. Au cours de votre partie, vous pouvez trouver et débloquer de nouvelles cartes, jusqu'à trois à la fois, et changer de forme instantanément.
À première vue, cela ressemble à un roguelike classique. Différentes formes. Différentes configurations. Différents styles de jeu. Mais Morsels ne suit pas les règles habituelles.
D'abord, rien n'est clairement expliqué. Vous pouvez ramasser un objet qui promet plus de tofu. À quoi ça sert concrètement ? Vous prenez un nouveau morceau et il apparaît tenant une marguerite. C'est bon signe ? Vous rencontrez un monstre perché sur une machine à laver qui vous demande nonchalamment si vous voulez mélanger vos morbs ou vos fuzzies. Le jeu ne vous explique pas ce que cela signifie. Il faut juste se débrouiller.
L'expérimentation fait partie intégrante du jeu. Au fil du temps, on découvre que les marguerites agissent comme un bouclier à usage unique. Certains tunnels dans les murs mènent à d'étranges mini-jeux qui, tantôt, offrent des récompenses, tantôt semblent totalement inutiles. Il arrive qu'on sauve un singe d'un piège et qu'on le transporte à travers tout le niveau, pour finalement terminer ce dernier sans se demander si cela avait une quelconque importance.
Le problème, c'est que ce chaos ne se stabilise jamais vraiment et qu'on ne peut ni l'anticiper ni élaborer une stratégie. Certains ennemis sont invincibles, d'autres non, et le jeu ne précise pas clairement lesquels. Certains effets de cartes ressemblent à des bonus, d'autres à des malédictions, mais les indications sont tellement confuses que même après avoir vu le résultat, on peut encore avoir du mal à comprendre ce qui a changé.
- Les cartes vous permettent de vous transformer en différentes formes de bouchées
- Vous pouvez transporter jusqu'à trois formulaires et les intervertir.
- De nombreux effets et récompenses semblent mystérieux ou ambigus.
Pas de constructions, juste du chaos.
La plupart des roguelikes modernes reposent sur la sensation de progression et de montée en puissance. On commence faible, on récupère des améliorations, on recherche les synergies, et à la fin d'une partie, on se sent soit invincible, soit coupable d'avoir commis une énième erreur.
Morsels fonctionne presque à l'inverse. Vos formes sont temporaires. Lorsque vous piochez une nouvelle carte Morsel et que vos trois emplacements sont déjà occupés, vous devez remplacer l'une de vos formes existantes. Certains événements vous obligent à sacrifier une Morsel pour progresser.
Chaque fragment gagne de l'expérience au fil du temps. En montant de niveau, il évolue vers une version plus puissante, ce qui semble prometteur. Mais il y a un hic. Si ce fragment remplit sa barre d'expérience une seconde fois, il prend sa retraite et disparaît définitivement de votre équipe. Autrement dit, chaque forme a une durée de vie limitée. Utilisez-la suffisamment longtemps et elle disparaîtra tout simplement de la partie.
Le résultat ? Votre équipement est en perpétuelle évolution. Vous découvrez sans cesse de nouveaux styles d'attaque, de nouvelles portées, de nouveaux schémas d'attaque. Cela renouvelle constamment l'expérience et vous oblige à vous adapter. En revanche, vous ne pouvez jamais vraiment vous attacher à une créature favorite et la faire évoluer au fil d'une partie.
Pire encore pour les adeptes de l'optimisation à outrance, la plupart des bonus semblent se maintenir à un niveau de puissance global similaire. Hormis quelques améliorations permanentes, les parties ne donnent pas vraiment l'impression d'une progression fulgurante. On ne retrouve pas cette sensation classique des roguelikes de créer un build surpuissant grâce à l'effet boule de neige. Au contraire, chaque tentative ressemble plus ou moins à la précédente, avec seulement quelques petites variations d'étrangeté.
- Les morceaux évoluent avec l'expérience, mais finissent par prendre leur retraite.
- Vous êtes contraint de sacrifier ou de changer de forme tout au long d'une partie.
- Les niveaux de puissance restent relativement stables avec des améliorations permanentes limitées.
- Les runs manquent de configurations distinctes ou de stratégies claires.
Tout cela semble très intentionnel. Morsels veut clairement que vous vous retrouviez plongé dans le chaos plutôt que de peaufiner tranquillement l'équipement parfait. C'est un jeu où il faut survivre dans ce désordre avec les outils bizarres à disposition, et non pas créer la configuration idéale.
Le ton du jeu le confirme. Les fusillades sont frénétiques et désordonnées, parfois même agaçantes. Le monde est bruyant, sordide et saturé d'informations. Le héros, une souris vulnérable luttant pour survivre dans un monde corrompu, s'accorde parfaitement avec cette idée. On est constamment sur la défensive, on s'en sort de justesse.
Mais cela a un prix. Sans une réelle sensation de progression ni d'identité propre au jeu, l'envie de recommencer est moins forte. On débloque de nouvelles choses, mais on comprend rarement leur intérêt. On change constamment de style de jeu sans avoir l'impression d'élaborer une stratégie efficace. La curiosité peut nous pousser à persévérer quelques heures pour tenter de comprendre les mécanismes, mais si l'on recherche un retour clair et une progression satisfaisante, on risque de se lasser rapidement.
Morsels se révèle être un petit roguelike fascinant et déroutant. Si vous aimez explorer des systèmes mystérieux, percer des secrets et vous plonger dans un chaos total, il pourrait bien être fait pour vous. En revanche, si vous préférez les roguelikes qui récompensent la planification à long terme, la construction soignée de vos bâtiments et des améliorations transparentes, cette aventure dans les égouts risque de vous laisser perplexe et prêt à passer à autre chose.
Article et image originaux : https://www.pcgamer.com/games/roguelike/ive-been-a-roguelike-fan-for-15-years-and-this-is-probably-the-most-confusing-one-ive-ever-played/
